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Lutter contre l'homophobie et la transphobie :

• SOS homophobie :
www.sos-homophobie.org
Ligne d'écoute anonyme : 01 48 06 42 41

• Equinoxe Nancy Lorraine :
www.equinoxe54.com

• Association nationale transgenre
www.ant-france.eu

Biographie Jean-Pierre Humblot

Né en 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Pierre Humblot était originaire de Cousances-les-Forges, en Meuse, entre Saint-Dizier et Ligny-en-Barrois.

Fils d’une commerçante et d’un maçon, il fut très jeune confronté aux difficultés relatives à son apparence, et à sa façon d’être. Dès son adolescence, ses tenues et son attitude “efféminée” lui ont valu rejet et moqueries dans un milieu rural d’après-guerre peu propice aux extravagances.


Une vie à Nancy

C’est à Nancy, à partir de la fin des années 1960, que Jean-Pierre Humblot connaît la notoriété. Toujours adepte des excentricités dont il avait le secret, il fut dès 1969 à la tête du restaurant familial, Le Benelux, qu’il tint jusqu’en 1984, notamment avec sa mère, au 7 rue Gustave Simon. L’originalité du “look” de Jeannot et la cohabitation des tempéraments opposés mère/fils faisaient de ce restaurant un lieu unique, haut en couleurs, où l’ambiance festive et chaleureuse attirait une clientèle hétéroclite. Les nostalgiques de cette époque gardent en mémoire la bonne humeur et l’extrême gentillesse de Jean-Pierre Humblot, qui improvisait chaque soir des numéros de chant et de danse remplis d’humour, d’autodérision et, aux yeux des autres, de provocations vestimentaires.

Fasciné par la mode parisienne, par le milieu du cabaret, particulièrement le Moulin Rouge, et quelques-unes des icônes du monde du spectacle telles que Régine et Annie Cordy, Jean-Pierre Humblot n'a jamais cherché la surenchère dans les déguisements kitsch dans le but d'amuser les clients du Benelux. Il revendiquait au contraire une réelle recherche du bon goût parisien et un certain raffinement dans des vêtements et accessoires où cohabitaient pêle-mêle perruques poudrées, chemises à jabots, manteaux de fourrure, sacs à main, foulards et boas flashy, chaussures à talons et autres mini-shorts en vinyle.

Jeannot assumait en permanence cette apparence unique en dépit de la multitude de quolibets, d’insultes et d’agressions homophobes qu’il subissait sur son passage dans les rues de Nancy, où la haine ordinaire pleuvait sur une personne qui ne demandait pourtant qu’une chose : vivre librement et paisiblement son identité de genre. Jean-Piere Humblot ne manquait néanmoins pas de répondant, et avait fini par acquérir un féroce sens de la répartie, qui déstabilisait plus d’un agresseur potentiel et amusait les nombreux spectateurs de ces scènes quotidiennes.
Longtemps résident du quartier de la Pépinière, puis à la fin de sa vie du quartie

Commanderie, Jean-Pierre Humblot a laissé une véritable empreinte dans le souvenir des Nancéiens qui l’ont côtoyé et aperçu dans les rues 34 ans durant.


Les agressions de l’été 2003

En juillet 2003, plusieurs agressions à caractère homophobe ont été perpétrées dans l’agglomération nancéienne, sur des lieux de rencontres entre homosexuels, notamment le long du canal de la Marne au Rhin.
Un groupe d’une dizaine d’adolescents se déplaçant en scooters était alors en cause, adeptes d’un mode opératoire précis. Ils demandaient une cigarette à une victime potentielle, et si sa manière de répondre correspondait à leurs stéréotypes sur l’homosexualité, ils la passaient à tabac et/ou la poussaient à l’eau. Peu de victimes ont hélas souhaité témoigner au procès. Déjà le 27 mars et le 6 juillet 2003, deux hommes avaient déjà été poussés au canal, parvenant tout de même à regagner la berge.

Jean-Pierre Humblot, qui fréquentait souvent ce lieu en dépit des mises en garde inquiets de ses voisins, ne savait pas nager et s’est noyé sous les yeux de ses deux agresseurs le 1er août 2003, vers 23h30. Alertés par un témoin anonyme de la scène, les pompiers ont repêché son corps sans vie quelques minutes plus tard, au niveau du viaduc Louis Marin, plus communément appelé à Nancy « la Vèbe ».


L’hommage à Jeannot


La mort violente de cette figure nancéienne, largement relayée par la presse locale, a suscité une vive émotion. Grâce à plusieurs témoignages, l’enquête a pu être menée assez rapidement, conduisant à la mise en cause, dès la fin du mois d’août 2003 de plusieurs mineurs de 16 ans qui avaient fini par avouer avoir poussé Jean-Pierre Humblot dans le canal de la Marne au Rhin. Le procès qui a suivi s’est déroulé à huis clos, les accusés étant mineurs le 1er août 2003, et n’a débouché que sur des peines somme toute symboliques. Bien que l’intention homophobe des agressions soit reconnue par les criminels lors du procès, – même s’ils prétendaient s’en prendre aux homosexuels « pour s’amuser », « sans réfléchir » et « sans avoir l’intention de tuer » –, le facteur aggravant d’homophobie n’a pu être retenu, puisqu’il n’existait pas dans la loi au moment des faits.

Depuis cette tragédie emblématique de la haine homophobe ordinaire, le lieu de l’agression est chaque année le théâtre d’une cérémonie d’hommage, en présence d’associations LGBT, d’élus, et, jusqu’à son décès, de Simone Monvoisin, sœur de Jean-Pierre Humblot, dont elle était restée l’unique famille proche.

Le 1er août 2004, sous l’impulsion de l’association nancéienne Homonyme (Centre Lesbien, Gay, Bi et Trans de Lorraine-Sud), soutenue par André Rossinot et Philippe Blondelet pour la Ville de Nancy, ainsi que par le Conseil général de Meurthe-et-Moselle, une première cérémonie d’hommage riche en émotion s’est déroulée, donnant lieu au dépôt de trois gerbes saluant la mémoire de Jeannot.

Dès 2005, une stèle en bois portant une plaque commémorative a été apposée au même endroit, au bord du chemin de halage du canal, visible de tous les passants. Souvent dégradée, la modeste stèle était régulièrement inspectée par les associations, qui constatèrent le 29 juin 2008 sa profanation : la plaque avait été arrachée, et le socle en bois gravé d’une croix gammée. Alertée, la Ville de Nancy avait alors déposé plainte et saisi le Procureur de la République de cet acte clairement homophobe.

C’est ainsi qu’une nouvelle stèle en granit, plus imposante et plus visible, fut dévoilée par André Rossinot, maire de Nancy, le 17 mai 2009, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, devant une cinquantaine de personnes, composée essentiellement d’élus et de responsables associatifs. Même si elle s’avère beaucoup plus résistante que la précédente, la stèle a régulièrement été dégradée depuis.

Le 28 juillet 2012, la salle de réunion Jean-Pierre Humblot est inaugurée au Centre LGBT Lorraine-Sud. À cette occasion, une plaque commémorative est dévoilée en présence de représentants de la Ville de Nancy et du Conseil général de Meurthe-et-Moselle. Elle a pour vocation de sensibiliser les visiteurs du Centre à la nécessaire lutte quotidienne pour le respect de toutes les diversités, et pour évoquer avec les plus jeunes, qui ne l’ont pas connu, le parcours emblématique de Jeannot.


Jean-Pierre Humblot : un symbole de liberté et de tolérance


Disparue à la fin du mois d’octobre 2012, Simone Monvoisin a, pendant des années à partir de 2003, maintes fois répété que son frère n’était pas homosexuel, même si ses assassins l’avaient identifié comme tel. Le 1er août 2009, au terme de l’hommage matinal qui avait cette fois conduit les responsables associatifs au cimetière du Sud pour fleurir la tombe de Jeannot en sa compagnie, Simone Monvoisin a apporté un éclairage nouveau sur la vie de Jean-Pierre Humblot.

Au détour du repas en présence des associations LesBienNées, Equinoxe, Trans Aide(aujourd'hui dénommée A.N.T.), Emergence 57 et Les Oublié-e-s de la Mémoire, elle a révélé publiquement que son frère avait souhaité changer de sexe dès le milieu des années 1970 et avait finalement décidé de vivre librement son identité en raison de l’accueil indigne que lui avaient réservé les équipes médicales qu'il avait consultées.

Jean-Pierre Humblot symbolise donc à lui seul de nombreuses facettes de la diversité. Agressé pour des motivations homophobes, Jeannot était en réalité une personne transgenre. Fidèle à son caractère bien trempé, il a fait face au refus des institutions de l’aider et a poursuivi son parcours en assumant la liberté d’être et de paraître comme il l’entendait, en dépit des violences qu’il a toujours subies, de son parcours scolaire en Meuse à son agression fatale.

Rendre aujourd’hui hommage à Jean-Pierre Humblot, par une cérémonie annuelle et désormais par un site Internet entièrement dédié à sa mémoire, c’est reconnaître ce droit à la différence de chaque être humain, quand bien même son apparence serait « dérangeante » vis-à-vis des normes sociales. C’est reconnaître le droit à la dignité et à l’égalité pour les personnes jugées « non conformes », trop « efféminées », trop visibles, parfois – et c’est un comble – par quelques homosexuels restés dans la clandestinité et terrifiés par la sincérité du mode de vie et de l’apparence de Jeannot.

Si sa mort incarne aujourd’hui la nécessité d’une lutte sans relâche contre toutes les formes d’homophobie et de transphobie, Jean-Pierre Humblot n’était pas un héros, ni même une icône LGBT. C’était simplement une personne libre, et fière de l’être.

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